Égalité hommes femmes !

Collages, discours… Ce mercredi 8 mars, journée internationale des droits des femmes, les étudiantes d’une classe de BTS ont organisé de nombreuses actions.

AU LYCÉE FLORIAN (e), LES FILLES MOBILISÉES POUR L’ÉGALITÉ

Article rédigé par Marjorie Lenhardt, journaliste spécialisée dans l’éducation et paru dans le Parisien  (édition 92) le 9 mars 2023 ; suivi du texte rédigé par les BTS1 MECP (Métiers de l’esthétique, cosmétique, parfumerie)

 

Inégalité salariale : à Sceaux, au lycée Florian rebaptisé Floriane, les filles quittent les cours plus tôt !


« Merci à toutes les filles de quitter l’établissement ! Quittez l’établissement, s’il vous plaît ! » Mégaphone sur l’épaule, Inès, Camille et Barbara par- courent les couloirs du lycée professionnel Florian de Sceaux (Hauts-de-Seine). Il est 15h20, l’heure de la récréation habituelle mais en ce mercredi 8 mars,Journée internationale des droits des femmes, le personnel féminin et les élèves filles ont le droit de partir plus tôt.

« C’était ma condition pour travailler sur ce projet, pour symboliser l’inégalité salariale et appliquer vraiment la grève féminine qui n’est quasiment jamais suivie », explique Marie-Hélène Durantet, professeure d’arts appliqués de la classe exclusivement féminine de BTS MECP (métiers de l’esthétique, cosmétique et parfumerie), qui a organisé cette journée d’actions au lycée Florian.

En commençant par la forme puisque l’établissement a pris la couleur du féminisme, avec des ballons violets sus- pendus partout et un menu violet à la cantine. Le lycée Florian a en outre été rebaptisé Floriane pour la journée, en clin d’oeil à la ville de Pantin devenue Pantine en Seine-Saint-Denis.

Et donc, les filles ont pu sortir plus tôt. « C’est vraiment vrai ? On peut partir, alors ? » interrogent-elles, tout sourire. Tandis qu’elles prennent la porte de sortie par grappes joyeuses, les garçons incrédules, sont, eux, invités à sortir côté cour par le chef d’établissement. « Mais pourquoi ? C’est quoi ce b… ? », entend- on ici et là.

Des slogans percutants « pour faire débat »


La différence de traitement ne leur plaît pas. « On va vous expliquer », répète le proviseur. « Je m’en fous, moi, des droits des femmes ! », lance un garçon. «Mais moi, j’ai fini les cours normalement, je veux sortir aussi ! » La tension monte légèrement mais, bon gré malgré, les lycéens se dirigent vers le préau sous une pluie battante.

Dans leurs dos, de grosses lettres à la manière des « colleuses » – ces militantes de la cause féministe qui collent des messages pour sensibiliser à la lutte contre les violences faites aux femmes ont été placardées sur une aile du lycée. Telles : « Elle n’est pas habillée comme une salope, tu penses juste comme un violeur » et « Moi quand je serai grande, j’aurai un salaire d’homme ».

Dans le hall, les couloirs, les salles de classe, dans les toilettes des garçons, au dessus des urinoirs apparaissent d’autres slogans. Des sobres – « le 8 mars, c’est toute l’année » ou « liberté, égalité, sororité » – aux plus osés, qui choquent certains : « Je ne m’habille pas pour que ton pénis me salue » ou encore « je ne suis pas qu’une chatte. »

Leur choix a fait débat au sein même de la classe de BTS MECP, certaines des filles âgées de 18 à 21 ans ayant peur des répercussions dans le cadre administratif du lycée. « On ne voulait pas adoucir nos mots et que ça passe discrétos. Un slogan, ça doit marquer les esprits, générer du débat », finit par justifier Barbara. « On a voulu réemployer ces mots, même si ça peut paraître vulgaire, tout simplement parce que ce sont des mots qui sortent de la bouche des garçons tous les jours, c’est juste réaliste », poursuit Camille.

« À quoi bon travailler autant qu’un homme ? »


Bien échaudé par un débat qu’il vient d’avoir en cours sur ce sujet, Loki, élève en seconde, n’est pas du tout de leur avis. « C’est inutile et contre-productif, ces trucs-là. Ça fait qu’augmenter la haine que j’ai envers les femmes. Je ne comprends pas pourquoi dans une société patriarcale, elles auraient le droit de sortir plus tôt », réagit-il avec virulence.

Face à la centaine de garçons impatients, les deux porte-parole de la classe de BTS ne se démontent pas. La pluie en revanche va les amener à prononcer leur discours, écrit par Fanny, une autre élève de la classe, dans l’atrium. Après une brève explication du contexte par le proviseur, les jeunes femmes perchées sur le balcon se lancent dans la lecture du texte.

« Chaque jour, toutes les femmes, en moyenne, arrêtent d’être payées à partir de 15h30, même en travaillant jusqu’à 17h30. Alors que cela ne concerne pas les hommes. À quoi bon travailler autant qu’un homme et fournir autant d’efforts que lui, si nos salaires sont 20 % inférieurs aux vôtres ? C’est pourquoi nous avons décidé de banaliser cette fin de journée. »

« Je ne le savais pas ça », réagit Yaya, un autre élève de seconde qui se montre moins âpre que son camarade. « En vrai, c’est pas faux ce qu’elles disent », murmure-t-il à Loki au moment où les filles évoquent quelques exemples d’inégalités entre les femmes et les hommes, dont ils seraient selon elles à l’origine en banalisant certains de leurs actes.

« L’espoir que cette opération fasse réfléchir »

« Penser que la femme doit entretenir la maison et s’occuper des enfants au sein d’un couple; penser qu’une fille ayant eu un certain nombre de partenaires ou de rapports sexuels est une pute, mais féliciter un mec pour toutes ses conquêtes; estimer que la contraception revient à la femme… », égrainent-elles.

Les étudiantes finissent leur discours en invitant les garçons à quitter à leur tour le lycée. « Le féminisme, c’est l’égalité entre les genres et non la supériorité de l’un sur l’autre », concluent-elles.

Le ton change du côté de certains garçons. « Au début, je n’étais pas d’accord avec leur façon d’agir mais avec les explications… Sur certains points, elles ont raison, estime Yaya. C’est vrai, ça, même les joueuses de foot sont moins bien payées que les hommes. Ça va permettre à certaines personnes d’en prendre conscience. »

Son copain de cours Loki, lui, n’est toujours pas convaincu. « Ça reste pour moi des arguments non fondés. On a les salaires qu’on mérite. S’il y a des congés maternité, etc., c’est normal de gagner moins. »

Avec leur enseignante, la classe envisage désormais de faire un questionnaire pour évaluer l’impact de son opération. Et le proviseur, qui a accepté que près de 200 élèves ratent une heure de cours pour la réalisation de « ce beau projet », de conclure : « On forme l’espoir que cette opération fasse réfléchir. »

 

 

Texte rédigé et lu par les élèves de STS1, le mercredi 8 mars 2023

Bonjour à tous,

Comme vous aurez pu le constater: aujourd’hui c’est la journée de la lutte des droits des femmes.

Nous avons mis en place ce petit « événement » en espérant pouvoir vous y sensibiliser.

Il y a énormément d’inégalités entre les femmes et les hommes aux- quelles on accorde peu d’importance.

Vous êtes sûrement à l’origine de certaines de ces inégalités en bana- lisant certains de vos actes sans même en être conscient.

Peut-être pour cause d’une éducation intériorisée volontairement ou non, venant de proches ou de la société.

En voici quelques exemples:

  • Penser que la femme doit entretenir la maison et s’occuper des enfants au sein d’un couple
  • Considérer qu’une fille ayant eu un certain nombre de partenaires ou de rapports sexuels est une pute, mais féliciter un mec pour toutes ses conquêtes
  • Estimer que la contraception revient à la femme par défaut alors qu’il existe des méthodes contra- ceptives pour les hommes aussi
  • Imposer à sa sœur ou à sa copine la façon dont elle doit s’habiller
  • Imposer un rapport sexuel sous prétexte de devoir conjugal, parce que ça, c’est du viol!
  • Ou encore sans cesse dire aux femmes de bien faire attention quand elles sortent toutes seules ou quand il fait nuit, au lieu de régler le problème à sa source et d’éduquer les hommes à bien se com- porter et à être respectueuxIl reste un tas d’autres inégalités qui existent et que nous n’avons pas citées, notamment certaines qui se déroulent dans le monde du travail.Chaque jour, TOUTES les femmes, en moyenne, arrêtent d’être payées à partir de 15h30, même en travaillant jusqu’à 17h30. Alors que cela ne concerne pas les hommes. A quoi bon travailler autant qu’un homme et fournir autant d’effort que lui si nos salaires sont 20% inférieurs aux vôtres.C’est pourquoi nous avons décidé de banaliser cette fin de journée. TOUTES les femmes du lycée ter- minent leur journée à 15h30.Regardez autour vous, lisez les affiches collées dans le lycée et réfléchissez à ce qu’il y est écrit.Vous pouvez être féministe sans pour autant le crier ou manifester dans la rue. Il suffit simplement de considérer les femmes comme égales à vous, et de les traiter comme tel. De les voir en tant qu’humains et non qu’objet, de ne pas avoir à les comparer à des sœurs ou des mères pour pouvoir éprouver de l’empathie envers elles.En espérant que cet événement permettra à certains de réfléchir.Merci pour votre attention, vous pouvez maintenant vous aussi sortir comme l’ont déjà fait les filles, car le féminisme c’est l’égalité entre les genres et non la supériorité de l’un sur l’autre.